Summer Schools / Ecoles thématiques

Enaction and Cognitive Science / Enaction et sciences cognitives

Ecole 2009: from 20 to 26 july, 2009 - Cap Hornu Center, France




Introduction

John Stewart (UTC) : Introduction : alternatives au réalisme objectiviste - Introduction: alternatives to objectivist realism

Le thème central de cette Ecole est « l'observation ». Dès lors, on ne saurait éluder la question de la nature de la relation entre l'observateur et ce qui est observé, entre le sujet et l'objet de la connaissance. La position que ses défenseurs appellent « réalisme » et que ses critiques appellent "objectivisme" consiste à considérer que l'objet de la cognition est une réalité unique, qui existe et qui est ce qu'elle est indépendamment de toute relation (éventuelle) avec un sujet cognitif. Dans cette optique, la vérité consiste en l'adéquation entre les connaissances du sujet et cette réalité objective, indépendante et référentielle.

J'examinerai les critiques radicales à l'encontre de l'objectivisme, mais aussi la difficulté de proposer une alternative convaincante. Je parlerai de constructivisme, de transduction (Simondon), de l'énaction et des affordances, et je terminerai avec une analyse de la construction sociale des faits scientifiques.

The central theme of this Summer School is "Observation". Thus, we cannot avoid the question of the nature of the relation between the observer and what is observed, between the subject and the object of knowledge. The position that its proponents call "realism" and its critics call "objectivism" holds that the object of cognition is a single reality, which exists and is what it is quite independently of any relation with an (optional) cognitive subject. For this approach, "truth" consists of an adequate correspondence between the knowledge of the subject, and this objective, independent, referential reality.

I shall examine the radical criticism of objectivism, but also the difficulty of proposing a convincing alternative. I will mention constructivism, transduction, enaction and affordances; and I will end by an analysis of the social construction of scientific facts.

Invited speakers

Michel Bitbol (CREA) : Faire émerger un monde microscopique par le couplage expérimental : Physique quantique, observation et énaction - Bringing forth the emergence of a microscopic world by means of experimental coupling: Quantum physics, observation and enaction

Le coeur de la thèse de l’énaction affirme la détermination réciproque de l’organisme vivant et des éléments-objets signifiants de son environnement, dans le processus de leur transaction. Une telle conception n’est pourtant pas toujours facile à saisir pour les êtres humains adultes que nous sommes. Nous avons en effet si bien accompli et stabilisé notre co-détermination avec les objets ambiants, durant notre préhistoire ontogénétique et phylogénétique, que les objets matériels paraissent avoir une existence propre, préalable, qui ne doit rien à notre agir. L’intérêt de la physique quantique pour la conception de l’énaction s’avère alors très grand, puisque le processus de détermination réciproque a dû être intégralement recommencé dans le domaine microscopique, sans l’appui d’aucune de ces “évidences”, ou “arguments de bon sens”, qui favorisent habituellement la théorie classique de la connaissance et le paradigme cognitiviste computationnel-symbolique. La co-détermination énactive fait ici intervenir non plus seulement l’activité de notre organisme biologique, mais celle de ses prolongements technologiques (les appareils de mesure ou de micro-intervention). L’émergence des propriétés et de l’individualité des entités microscopiques dans leur couplage avec les artéfacts technologiques, est inscrite dans le formalisme lui-même à travers la forme des “observables” et le statut dispositionnel des “états” quantiques. Le parallèle entre cette version physique microscopique de l’énaction, et la version standard macroscopique et biologique, sera développé en détail. Des conséquences épistémologiques radicales (souvent plus que dans la version standard) en seront tirées.

Joëlle Le Marec (C2SO, ENS-LSH) : Observer l'enquête - Observing investigations

Cet article développe la manière dont une conception du terrain défini comme un ensemble de situations de communication a permis d'entrer dans des rapports à l'image scientifique à partir des formes sous lesquelles elle se présente et des rôles qu'elle joue dans des communications sociales. Dans les situations d'enquête éprouve l'existence d'espaces sociaux - de champs donc - mais aussi des dynamiques de déplacements, non seulement « nous » (les enquêteurs issus des sciences sociales) chez « eux » (les professionnels dans les organismes de recherche) mais aussi « eux » chez « nous » dans l'espace de la recherche. De ce point de vue, une des retombées du travail effectué est la proposition d'un décentrement radical par rapport à un type d'enquête sur le fonctionnement des sciences qui privilégie des dispositifs classiques de mise à distance de l'objet (le « laboratoire » peuplé distants, si possible physiciens des particules, ou astrophysiciens). Il s'agit, à l'inverse, d'analyser le fonctionnement des institutions de recherche tel qu'il se manifeste dans les communications qui le structurent et en structurent les frontières.

Soon here an abstract

Charles Lenay (UTC) : La rencontre de points de vues : dynamique collective et conditions techniques - The meeting of viewpoints: collective dynamics and technical conditions

Comment puis-je reconnaître que les personnes autour de moi sont des points de vue, les centres d'une expérience subjective ? Comment puis-je rencontrer autrui, le reconnaître et me faire reconnaître, être touché par ses intentions, partager ses visées et ses émotions ?

Pour approcher ces difficiles questions, je présenterai une série d'observations réalisée à l'aide d'un paradigme expérimental minimaliste. On verra ainsi l'intérêt d'une approche énactive pour comprendre la constitution d'un monde commun.

La constitution sensorimotrice de l'expérience vécue dépend des possibilités d'agir et de sentir dont dispose l'organisme, et ces possibilités sont modifiées suivant les outils dont on dispose. Quand ces médiations techniques sont partagées par plusieurs sujets, elles permettent ainsi la constitution d'espace de perception et d'interaction nouveau. Nous tenterons alors de comprendre dans quelles conditions ces espaces permettent, ou bien le partage d'un espace de points de vues, ou bien le partage d'un monde émotionnel.

 

Jacques Theureau (Équipe Analyse des Pratiques Musicales, http://apm.ircam.fr ) : L'activité humaine, ses données et son analyse - Human activity : data construction & analysis

Le programme de recherche empirique 'cours d'action', que je développe avec d'autres depuis de nombreuses années, constitue aujourd'hui un programme de recherche générique ou paradigmatique sur l'activité humaine dont des spécifications participent à des programmes de recherche empirique et technologique dans les domaines du travail, de l'usage des produits, de la conception, du sport, de l'éducation, de la musique, etc. Après avoir précisé les hypothèses ontologiques de ce programme de recherche (enaction, conscience préréflexive, situationnisme méthodologique, contraintes et effets dans les corps, situations et cultures), j'insisterai, en relation avec le thème de cette École d'été, sur ses méthodes de construction de données et leurs hypothèses épistémologiques, puis, après avoir précisé a minima la phénoménologie empirique de l'activité humaine qui a été développée (le cadre théorique sémio-logique ou de l'activité-signe), sur ses méthodes d'analyse, de modélisation analytique & synthétique et de relance de la réfutation empirique par la conception et l'étude de nouvelles situations et leurs hypothèses épistémologiques supplémentaires. Ce programme de recherche, portant sur l'activité humaine dans toute sa généralité, est éminemment autoréflexif et ses résultats conduisent à formuler des propositions d'épistémologie générale qui, évidemment, auront commandé mon exposé. Si mon propos sera donc essentiellement théorique et méthodologique, sa conclusion sera épistémologique.

Today, the 'course of action' empirical research program, developed by myself and a network of people, is a generic and paradigmatic research program about human activity in general, the specifications of which are parts of empirical and technological research programs in different domains (work, uses of products, sport, éducation, music, etc.). Beginning by a presentation of the ontological hypotheses of this research program (enaction, prereflective consciousness, methodological situationism, constraints and effects in bodies, situations and cultures), I will focus on the thema of this summer school : data construction and epistemological hypothèses, data analysis and analytical and synthetical modeling and their hypothèses (the sémio-logical or activity-sign theoretical framework and   complementary epistemological hypotheses). This research program is eminently autoreflective and its results command its own epistemology. Then, if my presentation will be essentially theoretical and methodological, its conclusion will be epistemological.

Workshops

Marieke Rohde : Perception vs. perceptual experience, the things we don't know we know - Perception vs. expérience perceptive, les choses dont nous ignorons que nous les savons

The measurement of perceptual judgments in psychophysics can be seen as a crude way to integrate subjective experience into the scientific
study of cognition, a kind of primitive neurophenomenology, applicable only to a limited set of mental phenomena (Rohde, 2008). This workshop
will give a brief overview over the methods of psychophysics (kinds of perceptual judgments, signal detection theory, psychometric curve fitting) to then address issues concerning their application. Using examples (blindsight, perceptual crossing, unconscious cue-acquisition... ), it will be discussed in how far perceptual experience (subject) and perceptual judgment behaviour (observer) correspond, concluding that they dissociate much more frequently than our intuition (or the literature) tells us. The possibilities and limitation of using these methods, which are usually associated with a representationalist approach, will be re-evaluated from an enactive perspective, with an altogether optimistic conclusion.

Pierre Steiner : Point de  vue et instrumentation : quelques ressources du pragmatisme pour le projet d'une théorie énactive de la cognition - Points of view and instrumentation : some resources from pragmatism for the project of an enactive theory of cognition

Il existe des ressemblances de famille intéressantes entre le pragmatisme - classique (James, Dewey, Peirce) et contemporain (Goodman, Putnam, Rorty, Brandom, Shusterman) -, et les bases théoriques du projet d'une science cognitive énactive : reconnaissance de l'impossibilité de se placer d'un « point de vue de nulle part » (Nagel) pour analyser les phénomènes ; dépassement du dualisme sujet/objet ; primat de la relation (notamment des relations transactionnelles entre l'organisme et l'environnement) ; refus d'une théorie contemplative de la connaissance ; conception adverbiale (non-mentaliste) du comportement cognitif (conduite) ; priorité du devenir, du savoir-faire et de la construction sur la substance, la connaissance théorique, et la fondation...

Dans cet atelier, après avoir introduit   la perspective pragmatiste dans ses très grandes lignes (il s'agit plus d'une philosophie des activités que d'une philosophie de l'action ou des pratiques), je me concentrerai sur deux de ses dimensions :

1) La théorie instrumentale de la connaissance et la théorie de la cognition instrumentée de Dewey, et leurs implications dans le débat entre réalisme et antiréalisme en philosophie de la connaissance ;
2) L'empirisme radical de James, et la question du « point de vue » appliquée à l'étude de la conscience.

Olivier Gapenne and Ken Prépin : La question du point de vue dans le contexte d'une approche relationnelle de l'expérience - The question of the point of view in the context of a relational approach to experience

Ce workshop a pour principal objectif de discuter du statut et de la nature du « point de vue » dans une approche de l’expérience et de la
cognition telle que celle proposée par l’enaction. En effet, si l’on considère qu’expérience et cognition émergent de relations entre entités multiples distribuées (non spatialement coïncidentes), cela a-t-il un sens de désigner un point ou un centre comme lieu de constitution ? Comment l’apparente globalité de l’expérience (et notamment de l’agentivité) s’accommode-t-elle de la localité de l’agent qui en est l’auteur ? Nous discuterons de cette difficulté tant dans le contexte des dynamiques relationnelles avec des objets que dans le contexte de couplage entre agents

Didier Bottineau : Langage(s), point(s) de vue(s), instrument(s) - Language, point(s) of view, instrument(s)

Le langage se présente à l'expérience à la fois comme objet présent dans l'environnement et comme médiateur d'action sur l'environnement : objet, comme ensemble de manifestations transitoires et/ou stabilisées de différents ordres (conversations, écriture ; amplifiés ou non par les vecteurs et supports multimedia) ; et mediateur, comme ensemble d'actions individuelles (parole, écriture), amplifiées ou non (dialogue, discours), cognitivement distribuées (actions corporelles et traces ou vecteurs symboliques percevables), de typologies variables (langues, registres, jargons) et concurrentes (polyglossie, darwinisme linguistique externe et interne), aux effets polymorphes distribués, à la fois intentionnels et imprévisibles ou émergents, pour les individus comme pour les groupes.

L'objectif de l'atelier est de faire le point sur ce qu'il convient d'appeler « langage » selon l'angle d'attaque phénoménologique considéré (1ère, 2èm, 3ème personne) relativement aux phénomènes manifestés ; la manière dont l'empirie est organisée dans diverses pratiques descriptives, théoriques, didactiques et technologiques selon le point de vue adopté ; et l'hétérogénéité de sa contribution dans le devenir de la condition humaine. On s'interrogera conjointement sur la nature des instruments développés dans le cadre de ces pratiques et plus généralement sur l'instrumentalité du langage lui-même.

Pierre de Loor, Yannick Prié and Indira Thouvenin : Informatique et énaction - Computer science and enaction

Cette discution commencera par un rappel des apports de l'informatique en terme d'usage, relativement à la notion d'outil. Mémoire, simulation, interaction, réseaux, cyber-communautés, etc. donnent une nouvelle dimension à la notion d'extériorisation et de co-construction de la connaissance qui est en résonnance avec le paradigme de l'énaction. Pourtant, l'informatique, historiquement indiscociable du cognitivisme, semble de fait s'opposer à l'énaction. Nous essairons d'analyser cette contradiction et tenterons de montrer qu'elle n'en est pas une. De nombreux champs récents mais également anciens de l'informatique, sont en lien étroit avec ce paradigme. Néanmoins la mise en oeuvre effective d'applications reste d'une trop grande complexité.
Les tentatives sont souvent maladroites dans leur recherche d'un compromis. Elles mettent en évidence le manque d'outils conceptuels permettant de penser l'outil computationnel dans un paradigme énactif, ou l'énaction dans un paradigme computationnel.

We will begin with a summary of what computer science brings out in term of use relatively to the concept of tool. Memory, simulation, interaction, network, cyber-community, etc. give a new dimension to some concepts such as externalization and knowledge co-construction which are close to enaction. If computer science is historically intrinsically linked to cognitivism, an apparent opposition emerges with enaction. We will try to analyze and inverse this relative contradiction.
Traditional and recent fields of computer science are really sympathetic with enaction but operational applications are very complex to adress. The need of a compromise for enaction in computer science systems design is often a failure germ. This points out the lack of conceptual tool to think computer science in an enactive perspective or enaction in a computational paradigm.

Stéphane Grès : Mission Mars / Mission to Mars

Présentation du thème : Mission d'exploration spatiale habitée de longue durée vers Mars

Lancer une mission internationale habitée vers Mars représente un challenge Humain, politique et technologique. Cette mission engendre un besoin de coopération durable à l'échelle planétaire, elle   sollicite également de nouvelles démarches énactives pour concevoir un système d'exploration autonome et sûr pour les astronautes.

Issu d'une recherche initialisée à l'UTC en 2003, le scénario de référence que nous allons décrire est une mission de longue durée/distance qui combine des technologies classiques et innovantes pour permettre de poser un équipage de 5 à 7 astronautes sur Mars. Dérivé du scénario "Mars-direct" (de Robert Zubrin et David Baker) la mission considérée se caractérise par son "éco-logique" (usage des ressources locales sur Mars - agriculture et production de carburant pour le retour) et la redondance systèmatique de certains éléments du système d'exploration.

La phase de transit entre la Terre et Mars est de 5 à 6 mois. L'équipage passera 18 mois sur Mars avec pour objectif une série de recherches appliquées à l'environnement Martien (recherche de traces de vie). Ce type de mission pourrait être viable aux alentours de 2030.  

L'équipe d'exploration aura besoin de technologies "intelligentes" capables d'augmenter son autonomie et sa sécurité à chaque étape de la mission. L'exigence clé, est de concevoir un système ouvert, apprenant et fiable à même de s'adapter face à des situations dangereuses inconnues.   

Presentation of the global topic : a long duration Manned (spaceflight) exploration mission to Mars

An international manned mission to Mars will define a new frontier of human exploration both scientifically and philosophically.

This mission will create an increasing need for international scientific cooperation and enactive oriented approach for design the support system for exploration.

Our reference scenario is based on a derived version of the Mars Direct scenario devised by Robert Zubrin and David Baker, that combines innovative s and current technology to land a small crew on Mars. This scenario is innovative for its human oriented approach and the use of in situ resource utilisation. It also relies on multiple vehicles for improved redundancy and autonomy.

The one-way travel times to and from Mars range from 120 to 180 days.   Once on Mars, the crew will spend 18 months on the surface, carrying out a range of scientific research, aided by a small rover vehicle carried aboard their Habitat Unit. Total round trip time for the mission is typically around 1000 days.

Partie 1 : Le workshop   -   Explorer Mars - autonomie et énaction

Dans ce workshop, nous présenterons les enjeux scientifiques pressentis pour une telle mission. L'articulation des rôles entre l'Homme et les machines (IA et autres formes émergentes) est un enjeu bien identifié qui nécessite d'être revisité selon la perspective   de l'enaction L'équipage devra être complétement autonome, chacun devant être suffisament résilient pour pouvoir "s'adapter" à des situations inconnues voire impensables. Les relations sujet-objet sont au coeur de la constitution du couplage entre l'exploration d'une planète partiellement connue et l'Homme (et outils) en évolution.

Part 1 : The workshop - Martian surface exploration -autonomy and enaction

The workshop is situated in a multidisciplinary context : Human sciences coupled with engineering sciences In the workshop we will first consider the issue of scientific exploration on the Martian surface. The coupling between Human and Robots and instruments need to be investigated, especially in link with an enactive perspective. The crew must be completely self-sufficient, flexible enough to adapt to new situations, and the exploration will require expertise in a wide range of disciplines.

Partie 2 : Scénario de référence - presentation/discussion

Nous explorerons le scénario de référence d'une mission de 950 jours. Les fenêtres de lancement vers Mars s'ouvrent approximativement tous les 2 ans, lorsque les planètes sont dans une configuration favorable. Le scénario consiste à lancer un premier train de vaisseaux la 1ere année, puis 2 autres trains de vaisseaux à chaque nouvel alignement planétaire, ce qui permet de maintenir une présence humaine presque continue sur Mars. Nous solliciterons le débat sur les problèmes que pose la conception d'un système d'exploration autonome habité fortement couplé à l'équipage d'astronautes et évoluant dans un environnement potentielement imprévisible.

Part 2 : Reference scenario - presentation/discussion

We will explore the reference scenario for a 950 days mission. Launch windows to Mars opens up approximately every two years, when Earth and Mars are in the correct orientation relative to each other. The scenario   consists of one launch in the first year and two launches during every launch window after the first, which keeps humans on Mars almost constantly. We will identify some problems posed by the design of the autonomous space system which is interacting with an unknown environment and which is coupled with the on-board team of astronauts.